Show me the Horses

Pourquoi

Parce que j’aime les bêtes : les pauvres bêtes… Enfant, je m’imaginais avoir avec elles une amitié meilleure que celle des humains.

Parce que parmi toutes les bêtes, j’aime les chevaux : nobles et pacifiques, malgré leur beauté et leur puissance. Je vois en eux la Nature que nous autres humains dévoilons et domptons. Oui, j’y vois une femme. Et si j’étais une femme, peut-être y verrais-je un homme. Ma Trinité : la Nature, la femme, le cheval, bien que dans un ordre distinct. Humain, je veux la Nature ; homme, la femme ; cavalier, le cheval. D’où, comprendrez-vous, ma préférence pour les juments.

Parce que je veux qu’on les traite mieux, toutes les espèces, nous tous, elles qui ont souffert tous les holocaustes, qui les souffrent de jour en jour en « silence » puisque nous restons sourds à leurs prières de bêtes, partout dans le monde, depuis que nous sommes là, depuis que nous avons pris l’habitude de nous en servir et les asservir, de génération en génération. Le jour où j’appris qu’on pouvait les appeler bêtes en français, je fus déçu : bêtes, bien qu’elles ne sachent pas tomber deux fois dans le même trou, contrairement aux humains, comme dit mon père ; mais normal, dis-je aujourd’hui, dans la langue de Descartes, qui est venu conforter ceux qui depuis toujours ont voulu les faire passer pour des machines idiotes et insensibles, les idiots et insensibles, alors même qu’animal provient du latin anima : âme.

Parce que j’aime monter à cheval, être porté par le cheval, vers le haut, aux sens littéral et figuré ; en avant surtout, aller plus vite que je ne le pourrais sur mes deux jambes ; faire un avec lui, quand cela arrive ; sentir que j’en ai quatre, que je peux aller où je veux, en avant, à gauche, à droite, là ou là, en modulant la vitesse à ma guise, sans bouger visiblement, juste en y pensant, presque.

Aussi parce que j’adore quand les chevaux discutent, je l’avoue, faisant preuve de leur dignité, de leur intelligence, et éventuellement leur rappeler, si besoin, qui c’est le singe évolué, l’humain au sein du couple que nous formons.

Parce que j’aime aussi être à côté des chevaux, en silence, comme eux ; leur parfum ; la façon dont ils font tout : leur façon de lever la tête pour découvrir ce qu’on leur veut, leur façon de prévenir autrui quand il risque un coup de sabot, leur façon d’uriner, leur façon de manger : quel son que celui d’un cheval qui se nourrit, comme nous, grâce à la bonne Terre !

Parce que j’ai appris à monter à cheval au Mexique, et j’en suis fier, et parce que j’apprends à monter à cheval en France, et j’en suis fier. Et parce que depuis le jour où j’ai monté à cheval en Europe pour la première fois, à La Croix-Valmer, lieu qui me plait, j’ai été interloqué par les nombreuses différences qui existent entre les traditions équestres mexicaine et française. Car, parfois, ce que l’on fait ici est exactement l’opposé de ce qu’il faut faire là-bas, et vice-versa, et qu’il est plus simple de changer de pays, de selle et de filet que de se défaire des réflexes acquis ici ou là quand on monte ou remonte à cheval là ou ici.

Parce que le monde du cheval nous l’apprend : Peut-être bien qu’il y a mille manières de monter à cheval, autant que d’écoles, de disciplines, de clubs, d’instructeurs, de cavaliers, de chevaux ou de binômes. Mais aussi parce qu’il ne peut pas y avoir mille et une manières de monter à cheval. Car il doit y avoir une manière juste de monter à cheval, chaque cheval, quelle que soit votre école, votre tradition ou votre discipline. Car en regardant ce qui se fait ailleurs, en tous les cas, on ne peut qu’apprendre, parfaire son équitation, même lorsque cela ne sert qu’à nous donner des exemples de ce qu’il vaut mieux éviter.

Parce que quand j’étais à Étretat avec une amie, je lui ai parlé de Jerry Maguire, le film à la réplique inoubliable : « show me the money », et me suis dit pour l’énième fois de ma vie, lui ai dit qu’il est des choses qui m’inspirent davantage, dont les chevaux.

La phrase, je l’ai conçue à Palanga, en Lituanie, pendant l’été 2016, pendant que j’attendais mon amie Sofija, jeune femme de cheval, pour aller nous promener. Assis face à la mer Baltique, je songeais au moment où l’on serait enfin chez elle et lui dirais : Show me the horses!

Et parce que j’ai eu marre enfin de passer mon temps, quand je ne suis pas à cheval, à juste y penser, à en rêver, que ce soit pendant le sommeil ou la veille, à élucubrer des sentences que personne n’entendrait jamais si ce n’est sous forme de boutade, et que j’ai voulu commencer à les noter pour mon simple plaisir, pour me défouler : ce que je sais, ce que j’apprends, le partager et que l’on me corrige si je me trompe. Peut-être de surcroît sera-t-on un jour en mesure de me prêter ce mot de Montesquieu, que l’on trouve au début de L’esprit des lois : « Quand j’ai vu ce que tant de grands hommes, en France, en Angleterre et en Allemagne, ont écrit avant moi, j’ai été dans l’admiration ; mais je n’ai point perdu le courage : Et moi aussi, je suis peintre, ai-je dit avec le Corrège ».

Image :
Le terrain de polo du Polo de Paris vers la fin de l’hiver 2016-2017.

© LASO

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