C’est avec plaisir que j’entends ton père me parler avec émotion de tes progrès en équitation chaque semaine, et je te félicite car tu pratiques maintenant i) celui qui est sans doute le plus ancien des sports, ii) le seul où participent deux espèces animales, et iii) le seul qui ne fait pas de distinction en fonction du sexe ou de l’âge, si ce n’est le plus beau.

Monter à cheval te permettra même d’être une meilleure personne puisque cela t’apprendra, entre autres, l’humilité, l’écoute, la patience, aussi bien qu’à avoir confiance en toi, te faire écouter et savoir commander.

Mais avant de choisir une discipline équestre : dressage, saut, course, endurance, cross, attelage, voltige, horse-ball, polo, western, charrería… il faut que tu sois, comme me l’a dit quelqu’un une fois, solide à cheval.

Cela veut dire que tu dois être capable de rester à cheval quoi qu’il arrive. Le cheval part au galop comme un fou, s’arrête ou fait un écart brusquement, se cabre, se jette même au sol ? Tu dois être capable non seulement de rester dessus, mais de garder le contrôle, voire de lui apprendre que ce qu’il vient de faire ne se fait pas ou ne sert à rien puisque… tu es toujours dessus.

Quoi qu’il arrive, c’est toi qui commandes.

1. Position, équilibre et expérience

Pour cela, il te faut i) avoir une bonne position, ii) développer ton sens de l’équilibre, et iii) de l’expérience puisque, comme tu as déjà pu le constater, les chevaux sont comme les êtres humains : tous pareils, mais tous différents, uniques ; ils sont tous plus ou moins travailleurs, fainéants, gentils, grognons, joueurs, câlins, intelligents, courageux, pereux et cætera, et pour que tu puisses les faire travailler correctement, en profiter au maximum, voire atteindre la grâce à cheval… il faut que tu saches les calculer, savoir qui ils sont, ce qu’ils pensent, ce qu’ils veulent, t’adapter à chacun d’entre eux pour établir la meilleure communication possible. Car en effet, est bon cavalier celui qui sait parler à son cheval et l’entendre.

L’équilibre, lui, relève sans doute du talent inné de chaque cavalier, mais quand on n’en a pas trop, l’expérience peut l’améliorer.

L’expérience et l’équilibre sont donc des choses que tu n’acquerras ou ne développeras qu’avec le temps, en montant beaucoup de chevaux dans des environnements et des contextes différents.

La position, en revanche, est quelque chose que tu peux et tu dois apprendre et adopter correctement au plus vite. Celle-ci varie en fonction de la discipline et concerne les différentes parties de ton corps.

En saut d’obstacle ou au polo, par exemple, le cheval est en impulsion en permanence. C’est pourquoi le cavalier se penche en avant et est chaussé court, comme on dit.

En course, à toute vitesse, on est chaussé on ne peut pas plus court et on est totalement penché vers l’avant.

2. La position en dressage

En dressage, en revanche, discipline que tu commences à pratiquer, tu as intérêt à rallonger un peu tes étrivières afin de pouvoir déplacer tes jambes plus librement en avant et en arrière.

Quant au dos, tu as intérêt à être légèrement penchée en arrière et garder tes épaules derrière. Ceci t’aidera à être en équilibre ; tu auras moins de chances de passer entre les oreilles du cheval ; et tu auras, en plus, l’air d’une pro.

Pour y parvenir, certains instructeurs te demanderont de te grandir : grandis-toi ! Cela veut dire mettre tes épaules en arrière et bomber ta poitrine.

Tes coudes, tu dois les garder plutôt collées au corps car, en dépit de ce que préconisent certains de nos jours, à savoir écarter les mains, les rênes n’ont pas été conçues pour tirer la tête du cheval à droite ou à gauche mais pour agir doucement sur sa bouche, et la bouche du cheval étant devant toi, tu ne peux que tirer vers toi, céder vers la bouche du cheval, voire relever ou descendre ta main.

De même, c’est une sorte de mauvaise mode que de casser, plier les poignées. Certains doivent penser que ça fait beau ou pro parce qu’ils donnent l’impression d’être à l’aise, mais quand on se rappelle que cela ne sert à rien puisque tu ne peux plus agir sur la bouche du cheval avec des poignées pliés, cela fait l’effet contraire : pour tout connaisseur, c’est une preuve d’ignorance en matière d’équitation.

3. Avoir une bonne main

Quant à tes mains, rappelle-toi ce qui est arrivée à Pierre dans le conte : à force de prétendre toujours que le loup était là, personne ne l’a cru au moment où le loup est arrivé.

Ne bouge donc pas tes mains tant que ce n’est pas nécessaire, et garde-les rapprochées autant que possible. Tu embêteras ainsi moins le cheval et, surtout, tes consignes seront plus claires.

Pense aussi à ce que tu ressentirais, aimerais et n’aimerais pas si tu étais à la place du cheval et l’on te mettait un mord dans la bouche et quelqu’un sur le dos. Aimerais-tu qu’il tire fort ?

Le cheval va te distinguer des autres humains en fonction de beaucoup de choses, mais ce qui l’intéresse le plus, c’est que tu aies la main douce, une bonne main.

De tes mains, dis donc au cheval combien tu es douce et intelligente. À travers tes mains, dis-lui que tu es différente de tous les autres humains qui montent sur lui. Sers-toi, dans la mesure du possible, et toujours de plus en plus, plutôt que de tes mains, de tes doigts.

Le chevaux de club sont des vrais héros. Ils sont montés par des tas d’élèves… qui ne savent pas monter à cheval. Et pourtant, ils comprennent ce qu’ils veulent et font la plupart du temps ce qu’on leur demande. Beaucoup de cavaliers donnent l’impression de croire qu’ils sont sur une moto ou une machine censée les obéir sans poser des questions plutôt que sur un être vivant qui les comprend ou ne les comprend pas. Avec les rênes, ils tirent sur la bouche des chevaux comme ils tirent la porte du réfrigérateur ou du garage. Les chevaux subissent cela tous les jours. Puis ils s’y habituent. Et ils finissent par ne comprendre que ce langage de sauvages.

Or je me souviens de cette jument que j’aimais : Nataëlle. Elle était à la fois la plus douce, la plus intelligente et la plus chiante. Elle avait un sale caractère, mais c’est ainsi qu’elle s’exprimait, et cela permettait, à quiconque voulait l’entendre, de s’améliorer en tant que cavalier. Peu à peu, chaque semaine, quand je la montais, je la traitais différemment. Au lieu de tirer sur les rênes, je ne les bougeais que pour donner une instruction : gauche, droite, arrêt. Quand je le faisais, c’était de manière de plus en plus délicate, de manière à ce qu’elle commence à mieux écouter et à comprendre un langage plus subtile. Et au bout de quelques semaines, elle comprenait déjà un langage fait de légers mouvements de doigts.

4. Les fesses

Il ne reste plus que trois parties de ton corps à positionner correctement. Ce sont les plus importantes. Et leur position est la même quelle que soit la discipline : les fesses, les talons et les pointes des pieds.

À propos des premières, je te dirai ce que disait l’un de mes instructeurs au bois de Boulogne : le salut est dans sa selle. Qu’est-ce que cela veut dire ?

L’un de mes instructeurs au Mexique aimait dire que la selle mexicaine est la plus sûre qui soit, et l’on dit en Camargue que les selles anglaises que l’on utilise partout dans le monde sont des savonnettes, tellement elles leur paraissent glissantes et peu sûres.

Mais assieds-toi toujours bien, au fond de la selle, reste là-dedans, et tu seras plus en sécurité.

5. Les pointes des pieds et les talons

As-tu jamais vu un cheval avec des étriers qui fassent partie de son corps ? ou des étriers poussant dans les arbres ? Non. Cela veut dire qu’il fut un temps où il n’y en avait pas, et que les premiers hommes à avoir monté des chevaux les montaient sans étriers.

Un jour, quelqu’un en Asie les a inventés, et si nous les utilisons toujours, c’est qu’ils rendent la monte à cheval plus sûre et plus confortable.

Car grâce à eux, le cavaliers n’ont plus un seul point d’appui. Ils en ont trois : les fesses et les deux pieds. Voilà qui a permis aux cavaliers asiatiques d’être plus intrépides à cheval et de conquérir les steppes jusqu’en Europe ; aux cavaliers européens, d’employer des armes de plus en plus lourdes. Grâce aux étriers, tu ne subis plus les secousses du cheval aux fesses : tes pieds et tes talons les amortissent.

Autrement dit, les étriers ne servent pas qu’à mettre les pieds dedans. Il faut que tu prennes appui sur eux. Pour y parvenir, c’est très simple : raccourcis un peu tes étrivières et la position correcte la plus importante viendra toute seule : tes talons seront descendus. Cela te donnera une stabilité semblable à celle d’un rameur.

Si quelqu’un te poussait alors que tu es assise sur une chaise sans toucher le sol, il pourrait te faire tomber facilement. Mais si quelqu’un essayait de te faire tomber alors que tu es assise et que tes pieds prennent appui sur le sol à droite, à gauche, en arrière, en avant, cela sera plus difficile, voire impossible.

Si ton cheval s’arrête d’un coup, tu n’auras rien à faire. Tes talons descendus, mécaniquement, t’empêcheront de tomber vers l’avant. S’il fait un écart à droite ou à gauche, tu prendras appui sur ton pied gauche ou droit pour ne pas tomber. Et s’il part trop vite en avant, tu as les rênes pour le freiner.

Dernière chose : garde les pointes de tes pieds vers l’avant. Comme pour les poignets ou les coudes évoqués plus haut, ce n’est pas une question de style, mais cela a une raison d’être : tu as besoin de t’adapter à l’impulsion du cheval qui va vers l’avant ; ça ne sert donc à rien d’avoir les pointes des pieds vers l’extérieur.

6. Communication

Adopter la bonne position te permettra non seulement d’être en sécurité, d’être plus gracieuse ou élégante, mais aussi de mieux communiquer avec ton cheval.

Car, en effet, ni toi ni le cheval n’avez besoin de parler le même langage pour communiquer, de la même manière que tu peux communiquer avec d’autres espèces. Un chien, par exemple, ne sait pas ce que tu dis, mais il vient vers toi quand tu l’appelles et s’en éloigne quand tu le lui demandes ; une abeille, de même, vient vers toi attirée par ton parfum, mais s’en éloigne si tu l’effraies de ta main, comme s’il y avait une sorte de langage universel.

Or il faut faire attention parce qu’il y a dans ce langage universel, comme dans les langues, de faux amis, et un message dans ta tête peut signifier tout autre chose dans la tête d’autrui. Par exemple, si tu cours vers un cheval parce que tu es contente de le revoir, au lieu de comprendre ta joie, il pourrait être effrayé et se méfier de toi par la suite.

Contrairement à nous ou aux chiens, qui nous comprenons très bien parce que nous sommes tous deux des prédateurs, les chevaux sont des proies. Le meilleur d’entre eux, au regard de l’évolution, est celui qui se sauve le plus vite. Ils sont donc peureux par nature.

De ce fait, il faut que tu saches établir une relation spéciale avec eux, en sorte qu’ils se sentent en sécurité quand il sont avec toi. Comment faire ? C’est simple : Toi-même, dans n’importe quelle situation, tu te sens plus en sécurité quand tu es avec tes parents ou avec des adultes, ou quand tu es avec des amis de ton âge ou des enfants plus jeunes que toi ? Avec tes parents, évidemment ! Et pourquoi ? Parce que tes parents savent plus et mieux que toi.

Avec le cheval, c’est pareil. S’il se rend compte que tu sais ce que tu fais et que tu le fais bien, il te fera confiance. Sinon, pourquoi le ferait-il ?

De même que tu n’obéirais pas un petit enfant qui sait moins que toi, et que tu obéis, au contraire, tes parents qui savent et peuvent te guider dans ton intérêt, de même le cheval t’obéira si tu sais ce que tu fais, pourquoi et comment, et s’il le ressent.

7. L’approche

La communication commence donc dès le premier abord. Comment tu marches vers le cheval ? Quand tu t’approches de lui, quand tu lui tends la main, tu lui fais peur ou tu le rassures ? Si tu as peur, si tu n’es pas de bonne humeur, si tu es fatiguée, il s’en apercevra.

J’aime bien m’approcher d’eux doucement mais décidément, comme leur disant je sais ce que je veux, je sais ce que je fais, mais je te respecte et je veux voir, sur le chemin, si tu es d’accord, si tu veux bien.

Une fois près d’eux, je ne leur impose pas ma caresse : je tends ma main et j’attends qu’ils viennent à moi. Dès lors, me semble-t-il, un dialogue a commencé, plutôt qu’un discours. D’emblée, sans m’imposer, je les fais s’intéresser à moi.

8. L’écurie

La communication se poursuit dans l’écurie. Le pansage, c’est à la fois le moment de vérifier l’état du cheval, s’il a mal quelque part, s’il ne s’est pas blessé, et le moment de se présenter. Lui, à son tour, il te teste aussi, il veut savoir s’il peut faire ce qu’il veut ou pas. À toi de lui démontrer le contraire. Mais fais toujours attention à ne pas entrer en combat avec le cheval parce qu’il est plus fort que toi. En revanche, tu es bien plus intelligente que lui et tu comptes sur tout le savoir de tes contemporains et des générations précédentes depuis des millénaires. Alors soit tu trouves un moyen de le faire arrêter son cirque calmement, soit tu appelles quelqu’un pour t’aider et te montrer comment faire.

9. Toujours, partout

À tout moment, tu dois garder cela en tête : les chevaux sont des animaux, ils sont lourds et forts, et ils sont peureux. Un bruit inattendu, un sac plastique, un rien, parfois même une caresse leur fait peur. Et quand ils ont peur, ils réagissent vite ou partent au galop dans n’importe quelle direction sans réfléchir.

Il faut donc que tu sois toujours attentive, prête à réagir tout de suite pour être en sécurité et pour le maîtriser et le rassurer car tu n’as certainement pas envie qu’il te bouscule ou de devoir le rattraper.

Comme toujours et partout, pendant que tu mènes le cheval de l’écurie au manège ou vice-versa, sois attentive à tout ce qui se passe autour de vous, devant, derrière, à côté, ainsi qu’au cheval même : est-il tranquille, content, inquiet, énervé ? ; garde quelque 40 cm entre ta main droite et la tête du cheval, et le flot de la corde du licol dans ta main gauche ; ne marche ni derrière ni devant le cheval, mais à côté de sa tête.

10. Le manège

Après le premier abord et l’écurie, vient le manège. Rappelle-toi que, pendant que tu t’amuses sur le cheval, lui, il est en train de travailler, d’apprendre. Tu dois donc t’assurer qu’il n’oublie pas ce qu’on lui a appris.

Si tu lui demandes d’aller jusqu’au coin du manège et qu’il veut couper, il ne faut pas que tu le laisses faire. Sinon, à force, il finira par tout oublier ou tu ne pourras plus le monter puisqu’il fait ce qu’il veut et non plus ce qu’on lui demande.

Si tu lui demandes de marcher, de trotter, de passer au galop, de tourner, de s’arrêter, de reculer, il faut qu’il le fasse et au moment précis où tu le lui demandes.

Il sera ensuite plus obéissant et tu t’amuseras davantage puisque le fruit de cette bonne communication, c’est que vous agirez de plus en plus comme si vous étiez un seul.

11. Réfléchis

Si la communication avec les animaux en général ou les chevaux en particulier t’intéresse, procure-toi des livres d’éthologie, la science du comportement et du langage des animaux.

Au lieu de te contenter de regarder les images, lis-les.

Mais surtout, toujours, mets-toi à la place du cheval, et réfléchis à tout ce qui se passe entre vous et autour de vous, à ce que tu fais, pourquoi et comment, et à ce qu’il fait, pourquoi et à quel moment.

Image :
L’auteur après une séance de polo.
© Showmethehorses.fr

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