¡Hasta la victoria siempre!

Chers Coéquipiers,

En ces minutes qui précèdent notre match au Polo de Paris, je vous invite à réfléchir : Que voulons-nous aujourd’hui ? Cherchons-nous la gloire individuelle : une action héroïque noyée pourtant dans la défaite, ou bien la gloire tout court : monter sur le podium ?

Parce que si chacun d’entre nous cherche la gloire individuelle, l’exploit, son goal, je vous garantis que nous serons parmi les perdants. En revanche, si nous jouons en équipe, de façon organisée, en liaison permanente comme un seul être composé de quatre membres, nous avons bien plus d’une chance.

Car il est parmi tous les participants, certes, des niveaux différents, des joueurs plus ou moins expérimentés, mais le niveau d’aucun d’entre nous est tel qu’on ne puisse pas être neutralisé par le joueur le moins averti.

C’est ainsi que j’entendais commencer cet article avant que nous ne connaissions la composition des équipes et d’apprendre que notre équipe serait celle avec le handicap le plus faible.

Mais notre situation ne change peut-être pas grand-chose à la stratégie qui doit être la nôtre aujourd’hui lorsque nous serons à Bagatelle sur le terrain même où le Mexique, a gagné sa toute première médaille olympique, aux tout premiers jeux olympiques de notre ère, au polo, à Paris.

Conscients de notre situation, envisageons-là comme il faut. Et vous conviendrez qu’elle est identique à celle que l’on voit dans certains films, où les derniers survivants d’un bataillon, alors que tout semble perdu, se demandent que faire : se rendre ou se battre, et, un par un, ils répondent. Est-ce qu’ils sortent le drapeau blanc, eux ? Est-ce que nous allons dire « on ne joue pas », nous ? Musique.

Voici donc quelques idées notées vite dans l’espoir que, même dans l’hypothèse où vous ne les partageriez pas, elles vous inspireront d’autres et nourriront notre réunion de stratégie avant les matchs.

-8 contre -4, ça fait beaucoup. Mais sur le terrain, nous serons des -2 contre -1 : La différence n’est pas abyssale.

1. Écartons

Pendant le throw-in, et par la suite, nous pouvons jouer primordialement à empêcher nos adversaires de toucher à la balle.

Bien échauffé, notre cheval pourrait démarrer d’une poussée forte comme si le but était de mettre à terre notre adversaire afin qu’il soit écarté de l’action effectivement.

À cet effet, nous pourrions nous aligner non pas ayant pour cible la balle, mais plutôt notre adversaire afin qu’il ne puisse pas intervenir dès la première action.

Ils ne s’y attendront pas. La balle resterait seule sur le terrain. Celui d’entre nous qui en serait le plus près pourrait revenir vers elle et la taper. Qu’il la tape, dans ce cas, coûte que coûte, en direction du but, où ses coéquipiers l’attendront.

De même, tout au long du jeu, nous marquons en permanence avant que de penser à taper la balle. Nous jouons à marquer, marquer, marquer, écarter, annuler. À un moment, c’est leur marquage qui fera défaut et l’un d’entre nous pourra taper la balle dans des conditions favorables.

2. Progressons

Le terrain est long. Et en plus, nous serons marqués. Alors pas question de perdre nos occasions de taper la balle à le faire dans d’autres directions que vers le but.

D’autre part, la balle tapée est plus rapide que les chevaux. Chaque frappe nous rapprochera du but. Tapons loin. Tapons droit. Mais plus que fort, tapons bien.

Tapons donc la balle dès qu’elle nous passe sous le maillet, sans jamais tricoter avec elle. Vouloir la conserver, c’est la rendre à nos adversaires, leur donner l’opportunité de nous marquer, nous l’enlever, voire la leur céder pour la suite.

Si nous progressons le long des tables, que ce soit toujours vers celles à droite dans le sens de notre attaque car on ne pourra nous marquer ainsi que par la gauche.

3. En boucle ?

On peut organiser un carrousel lors de nos avancées entre le 3 et le 4 en sorte que, si le 3 perd la balle, il vienne se positionner derrière le 4. Ainsi, au mieux, le 3 consoliderait l’attaque menée par le 4, la sécurisant derrière lui, et, au pire, il serait déjà en défense en cas de contre-attaque.

4. Escortons

Lorsque l’un d’entre nous à la balle, protégeons-le en écartant les adversaires de son chemin et informons-le qu’il peut avancer seul et tranquille. Dans le feu des actions et les éparpillements ou paquets subséquents, il est même possible que nous ayons l’opportunité d’écarter plus d’un adversaire, au moins pendant quelques instants.

D’autre part, si notre situation devenait désespérée, on pourrait tenter des folies, des actions dépourvues de style ou inédites ?

Par exemple, à terrain ouvert, on pourrait protéger celui d’entre nous qui tape la balle en nous plaçant à ses côtés : à gauche et à droite pour empêcher les marquages, et derrière pour récupérer la balle et la renvoyer vers l’avant au besoin.

Le long des tables à droite, on pourrait faire de même : Un joueur conduit la balle. Un autre, sur sa gauche, l’escorte pour empêcher le marquage. Un autre, derrière, récupère et renvoit la balle au besoin. Le quatrième pourrait se placer à l’angle inférieur gauche du rectangle qui avance.

5. Échangeons

On communique, on s’informe, on se motive en permanence, certes. Mais je n’ai pas dit parlons-nous. Je dis bien : échangeons, ce qui suppose une réponse à chaque message.

D’une part, certains que l’information a été reçue, nous n’hésiterons pas à mener à terme nos projets : laisser la balle au suivant, la taper, faire un back. D’autre part, la réponse de nos coéquipiers renforcerait notre confiance. Par exemple, je nous vois mal rater un back annoncé d’un « back ! » si nos trois coéquipiers nous confirment et encouragent d’un « ok ! » en réponse.

Aussi vous serez sans doute d’accord qu’il faut céder la balle au coéquipier le mieux placé pour taper, mais que nombre de fois la balle reste sur place faute de communication. Cédons donc les balles à notre coéquipier uniquement s’il le nous le demande ou l’accepte : « laisse ! », « ok ! »

Celui qui préfère la balle à celui que le suit pourrait, lui, prévenir les autre d’un « au suivant » ou « next » avant, bien évidemment, de dégager l’adversaire qui le gênait.

6. Défendons

Ce n’est pas parce que nous ne sommes pas favoris qu’ils nous laisseront faire. D’abord parce qu’ils sont sportifs comme nous. Aussi parce qu’ils seront en quête de points.

Je préfère rester 0-0 que subir une défaite. Alors si jamais nous étions incapables de mener à bien nos attaques, empêchons-les au moins de nous marquer des buts coûte que coûte. Qu’ils ne puissent pas se vanter par la suite et qu’ils ne puisent dire autre chose que « chapeau, La Ferme d’Apremont ».

Ainsi, on ne laisse passer aucun homme, à aucun moment. Si un adversaire entend passer, qu’il le fasse à pied ou sans la balle. Cela vaut lors de leurs dégagements, de leurs attaques, et surtout quand ils ont dépassé le milieu du terrain ou se trouvent près du but.

Si nous ne pouvons pas leur enlever la balle, nous pouvons au moins les empêcher de la taper et ce sera à ceux qui nous suivent, voire au dernier d’entre nous de la récupérer.

De plus, ou si jamais ils sont parvenus à nous devancer, pressons-les jusqu’au dernier instant en sorte que, ayant dû accélérer trop ou stressés, ils loupent la balle. Aux suivants des faire un back pour éloigner le danger ou d’empêcher leurs hommes d’y toucher, et le premier qui le pourra pourrait revenir en carrousel, leur marquage faisant défaut contrairement au nôtre.

Aucun d’entre eux, AUCUN n’a un tel niveau qu’il soit capable de réussir quelque chose tout en étant marqué, harcelé, pressé, stressé. Notre stratégie, notre passion et notre persévérance doivent être telles qu’ils soient surpris, désarçonnés, intimidés.

Plaçons-nous du côté de leurs maillets pour taper des back ou accrocher, et annulons leurs avancées systématiquement avec des back, au mieux vers les côtés, que nous pouvons annoncer : « gauche ! », « droite ! »

7. Donnons-nous

Enfin, nous ne serons pas à Chantilly aujourd’hui. Je veux dire par là que, chaque weekend, j’y ai du mal à jouer comme s’il s’agissait du match de ma vie, tenant à ne pas emmerder ou épuiser les chevaux alors que le but est d’évoluer, que ce ne sont que des entraînements.

Mais aujourd’hui, pour une fois, c’est différent.

Nous ne demandons à nos chevaux que 4 fois 4 minutes de leur force et obéissance, intercalées de longues pauses.

Soyons toujours en mouvement, comme les boxeurs qui sautillent en permanence. Un petit galop suffit pour se démarquer et être prêts à l’attaque en permanence.

Quand nous sommes en défense, que le dernier se tienne prêt à passer en un clin-d’œil à l’attaque. Quand nous attaquons, que le dernier se tienne prêt à passer en un clin-d’œil en défense.

Attention aux fautes qui puissent nous coûter des tirs au but ou des buts tout court.

Soyons toujours devant notre adversaire.

Une fois j’ai vu une fille jouer à Bagatelle, disais-je hier à Roxane, qui m’a donné une leçon de vie sans le savoir. Elle a joué comme personne d’autre : elle était en défense, en attaque, partout, infatigable, inébranlable, une guerrière, héroïque. La voir m’a donné envie de faire tout dans la vie à fond.

Aujourd’hui, c’est notre opportunité, si ce n’est une obligation naturelle.

Pour finir, chers Olivier, Roxane et Vladimir, il ne me reste plus qu’à citer mon dictionnaire préféré et le plus célèbre des Argentins : le Littré et Ernesto, el « Che », Guevara. Ce jour, ne nous amusons pas à la bagatelle ; poussons les choses, ce que nous savons faire, plus loin : ¡Hasta la victoria siempre!

Image :
L’équipe La Ferme d’Apremont : Olivier, Roxane, Vladimir et l’auteur au Polo de Paris le 12 octobre 2019.
© LASO

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